Atelier d'écriture

Atelier d’écriture

© Edan Cohen

Natalia était en sueur. Elle fuyait désespérément ses démons. Partout elle les voyait. Au départ, il y avait eu cette sensation d’être suivie, épiée même dans son appartement. Puis, une nuit, elle s’était réveillée en sursaut, victime d’un cauchemar. Enfin, elle avait vu des ombres au pied de son lit. Natalia avait bien essayé de se rassurer. En parler? Hors de question! On la prendrait pour une folle comme sa mère. Les phénomènes s’étaient intensifiés un peu après son anniversaire. Elle avait été réveillée par des hurlements qu’elle seule entendait et puis il y avait toujours ces ombres qui la poursuivaient. Il y avait eu ce soir où en rentrant chez elle, elle les avait aperçue très nettement. Elles étaient deux et se tenaient par la main. On aurait dit des enfants, si fragiles mais également si effrayants. L’un d’eux lui avait fait un signe de la main et par réflexe, elle avait fait de même. Les deux ombres semblaient sourires.

Suite à cela, elle était allée rendre visite à sa mère. Elle détestait se rendre dans cette maison de retraite sordide mais son instinct lui disait qu’il fallait qu’elle aille voir cette mère qu’elle avait longtemps renié. En entrant dans la chambre, elle avait d’abord été frappée par le visage marqué de cette femme qu’elle n’avait jamais compris. Deux enfants jouaient tranquillement au pied du lit, sans bruit. Lorsqu’ils la virent, ils lui sourirent. Elle leur dit bonjour mais ils ne répondirent pas. Sa mère la regarda et lui dit: « Te voilà enfin, le message a été bien transmis. Prends moi la main mon enfant. » Avec hésitation, Natalia s’approcha et prit la main ridée de la vieille femme. Ce fut comme un flash, sa mère jeune pleine de vie, riant comme elle ne l’avait jamais vu, son père, en pleine force de l’âge… Et puis deux bébés qui grandissaient. Ensuite, la tristesse du deuil. Sa mère effondrée, son père qui hurle de douleur. Et puis à nouveau un enfant. Elle vit son enfance et sa mère égarée, rongée par la douleur d’un deuil inconsolable. Et puis partout, ses enfants figés dans le temps. Finalement, elle entendit sa mère lui demander de veiller sur eux. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Natalia eut un vertige. La main de sa mère était froide, ses yeux inexpressifs. À côté d’elle se tenaient les deux enfants. L’un d’eux lui prit la main, un frisson la parcourut.

Pour lire les textes des autres participants, rendez- vous sur Bricabook.

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© Jay Toor

Elle ne devait pas être bien loin. Jay lança un regard inquiet aux alentours. Cela faisait des heures qu’elle avait disparu. Il l’avait appelé dans les bois, il avait pleuré, supplié, lui qui ne s’abaissait jamais à ce genre de sentiment. Son jean était trempé jusqu’aux genoux et c’est impuissant qu’il était retourné se réfugier dans sa voiture. Il avait mis le chauffage à fond et tentait tant bien que mal de se réchauffer. Le week- end avait pourtant si bien commencé. Il avait peaufiné tous les détails avec minutie. Le trajet en voiture, la petite cabane dans les bois, le repas aux chandelles… Mais lorsqu’il était sorti de sa douche, il s’était aperçu qu’elle n’était plus là. Les draps froissés étaient vides et la porte grande ouverte. Il avait saisi rapidement ses affaires et était parti à sa recherche. Pourvu qu’il ne lui arrive rien, pourvu qu’elle ne rencontre personne.

Soudain, dans le lointain, il aperçu une ombre qui se profilait. Il l’a reconnu aussitôt. Ses cheveux blonds, sa silhouette élancée. Elle se déplaçait avec difficulté. Il démarra et roula lentement dans sa direction. Elle fit des grands gestes désespérés pour qu’il l’aperçoive. Enfin, elle revenait à la raison. Il s’arrêta juste devant elle et descendit de la voiture, lorsqu’elle le reconnut, elle se mit à hurler. Son corps se mit à trembler sous l’impulsion du taser et elle s’effondra, poupée de chiffon inerte. Il s’agenouilla à côté d’elle, lui caressa les cheveux tendrement. Elle n’était pas trop amochée. Il remarqua une écorchure sur son mollet et grimaça. Il se releva lentement et d’un coup de pied puissant, lui brisa une cheville. « Tu ne partiras plus mon amour, toi et moi, c’est pour la vie. »

Les textes des autres participants sont disponibles sur le blog Bric à Book.

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© Arthur Humeau

 

Non, cela ne peut pas se passer comme ça! Pas ici! Pas maintenant! Comment peut-il lui dire ces choses affreuses? Chaque mot la brise un peu plus alors qu’il tente en vain de se justifier. À travers le hurlement qu’elle sent monter dans ses entrailles, elle capte quelques bribes de mots « trop tôt », « pas le moment »…

Les larmes coulent sur ses joues, elle ne contrôle plus ses tremblements. Elle essaie d’attraper sa main mais il fuit. Tout est fuite chez lui, son être, son regard. Elle s’entend le supplier, elle s’écœure. Dans une brève réminiscence, elle se rappelle leur rencontre. Les sourires complices sur les bancs de la fac, les frôlements de mains timides et enfin les baisers fougueux et les ébats passionnés. Elle disait souvent qu’il l’avait sauvé de la noyade et lui qu’elle était sa bouffée d’oxygène. Comment en étaient- ils arrivés là?

Il est muet depuis plusieurs minutes. Le baluchon à la main, l’œil perdu dans le vide. Exaspéré, il la regarde d’un air méprisant. Les gens autour d’eux évitent son regard, elle sent leur malaise face à cette scène si intime. Le métro entre en gare. Dans un dernier élan, elle lui attrape le bras, lui demande de la regarder dans les yeux, de lui dire qu’il ne l’aime plus. Sa réponse est cinglante « Mais je ne t’ai jamais aimé! ». Elle reste sonnée sur le quai alors que les portes se referment derrière lui. Désormais, il la fixe d’un air dur. Alors que le métro démarre, elle sent dans son ventre le petit être qui y grandit.

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© Sabine Faulmeyer

Lysa sirotait un verre de champagne. Le vernissage de son exposition se déroulait à merveille. Sa mère était venue la féliciter et elle avait serré un nombre inimaginable de mains. Un homme élégant s’approcha d’elle: « Un travail remarquable n’est- ce pas? ». Lysa hocha la tête, amusée. « J’aime la façon dont les photographies nous racontent une histoire. Ses vies figées dans le temps par une inconnue qui a croisé leur chemin.  » Lysa but quelques gorgées de champagne. Elle demanda à l’homme quelle était la photographie qu’il préférait et de façon étrange, lui qui venait de vanter les mérites des vies prisonnières du papier glacé, il se dirigea vers l’unique photo sans être vivant. Elle lui lança un regard interrogateur et il sourit. « Pourquoi avez vous pris cette photo? » Lysa fut surprise, elle qui pensait que l’homme ne la connaissait pas, savez en réalité bel et bien que l’artiste était elle. Elle se livra alors. Lui raconta le métier de photographe de guerre. L’Irak, l’Afghanistan…La douleur, la mort et puis parmi le chaos, parfois, elle apercevait de la beauté. Elle était tombée sur ce petit tricycle au hasard d’une rue, juste après un attentat dans un café. Elle était retournée sur les lieux le lendemain et au milieu des ruines, il y avait ce vélo d’enfant. Lysa expliqua l’émotion qui l’avait saisi et sans réfléchir, elle avait pris une photo. L’émotion avait été la même lorsqu’elle avait développé le cliché. Malgré certaines réticences de la propriétaire de la galerie, elle avait décidé de mettre cette photo à une place centrale. L’homme sourit à ce récit. Il hochait la tête, attentif. Finalement, il prit rapidement congé. À la fin du vernissage, son ami vint la voir. « Tu as vendu plus de la moitié de tes photos Lysa, c’est du bon travail! Même ton tricycle à trouver acheteur. D’ailleurs, l’homme a laissé un message pour toi. » Il lui tendit un bout de papier plié en quatre. Elle le lut: » Il y a de la beauté partout ». Elle sourit.

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© Nick Cooper


Cela faisait des heures qu’ils erraient dans les rues de la grande ville. Jean ne voulait pas l’avouer mais il était complètement perdu. Il avait beau tourner la carte dans tous les sens d’un air entendu, il ne savait guère où ils se situaient exactement. D’un air sûr de lui, il s’engagea dans une petite rue typique. Le pas décidé, sa femme sur les talons Jean ne savait tout simplement pas où il allait.

« – C’est encore loin mon Jeannot? Parce que j’ai soif et j’ai mal aux pieds! »

Jean grommela une réponse incompréhensible. Marise tenait absolument àvisiter ce musée dont son amie Angèle l’avait bassinée des jours entiers. Et comme à son habitude, Jean avait cédé à la demande de sa femme adorée. Elle avait insisté pour prendre le GPS, il avait refusé, blessé dans sa fierté de mâle. « J’ai une boussole dans la tête » avait-il affirmé. C’est ainsi qu’ils cherchaient ce foutu musée depuis presque 45 minutes. Jean entendait sa femme se plaindre dans son dos.

« – On pourrait peut-être s’arrêter dans ce petit café pour boire un verre ? »

Jean hocha la tête et pénétra dans le tripot aux briques rouges. Le serveur les invita à s’installer en terrasse. Ils s’assirent, les jambes douloureuses. Jean faisait mine d’observer les alentours, en réalité, il cherchait tout simplement une plaque indiquant la rue dans laquelle ils se trouvaient. Ils commandèrent un café, qu’ils sirotèrent lentement. Marise lui prit la main, lui sourit. Ils observaient les gens passer, leur langue chantante, leur accent envoûtant. Jean et Marise jouèrent à inventer la vie des passants. Finalement, ils commandèrent une assiette de charcuterie et un autre café.

« – C’est mieux que le musée. » dit Marise en embrassant la main de son mari.

Ils se levèrent pour rentrer à l’hôtel. Jean fit mine de vouloir aller aux toilettes et demanda son chemin au gentil serveur qui Dieu merci parlait français. Lorsqu’ils s’engagèrent dans la rue Marise suggéra de revenir demain. Jean soupira…et dit oui.


BONNE ANNÉE À TOUS LES PARTICIPANTS DE CET ATELIER ET AUX LECTEURS DE PASSAGE!

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